Un OS Souverain en France ? Une aberration politique, économique et technologique
Les députés ont récemment adopté un amendement concernant l’étude de la mise en place d’un OS souverain. D’une part de quoi s’agit-il et d’autre part, qu’est-ce que cela implique ?
Parler d’OS c’est parler de système d’exploitation des ordinateurs et autres équipements informatiques. Sur les ordinateurs modernes, le système d’exploitation est principalement Windows sur les PC, on l’appelle MacOS sur les Macintosh, Android sur certains téléphones, mais aussi IOS sur les iPhones. Il y a aussi Linux qui est souvent utilisé mais plutôt dans des domaines professionnels assez ciblés. Si la France voulait se doter d’un OS dit souverain, ce serait pour que les ordinateurs français, et principalement ceux des administrations fonctionnent sur un système qui ne serait rien de tout ce que je viens de citer. Il faudrait le créer.
Quel serait l’intérêt ?
Sur le papier, c’est simple, l’intérêt c’est que l’on serait certains que tous les programmes et toutes les fonctions qui composent le système d’exploitation n’auraient pas des logiciels espions et des fonctions cachées qui permettraient d’aller voir ce qui se passe sur les ordinateurs.
Toutefois il y a plein de mais, c’est comme une idéologie politique, on sait très bien que rien ne peut être parfait, qu’il y aura des gens qui trouveront des failles de sécurité, qui développeront des virus etc. En plus de l’OS qui va déjà coûter une fortune, le paradoxe c’est qu’il faudra sans cesse dépenser d’autres fortunes pour développer des logiciels qui existent déjà et que l’on trouve gratuitement parce qu’ils n’existeront pas sur l’OS que l’on aura réinventé.
On parle d’un Milliard pour l’OS…
Le chiffre d’un milliard d’euros circule sur Internet, mais là encore, je me permets d’avancer que c’est une grande idiotie ; on voit que les ministres, l’assemblée nationale et les députés n’ont absolument pas le niveau pour débattre de ces sujets qui les dépassent ; ce sont les lobbyistes qui agissent dans l’ombre pour alimenter les caisses de grosses compagnies françaises.
Je vais vous donner un bon exemple à ne pas reproduire et qui se rapproche de notre sujet d’OS Souverain. Le plus intéressant étant que le dénouement de cet exemple s’est passé dans la même semaine que le vote des députés sur l’OS souverain. Ne pas y voir une relation serait faire la politique de l’autruche.
Cet exemple, c’est celui du projet de Cloud souverain décidé en 2012. Il s’avère être un fiasco politique et économique alors qu’il était beaucoup plus simple à réaliser que l’OS souverain dont on parle ici.
Pourquoi un fiasco politique et économique ? Politique parce que ce sont des incompétences et mauvaise connaissance de l’existant technologique par les députés qui ont prévalu.
Economique parce que les sociétés Cloudwatt et Numergy créées pour l’occasion par le gouvernement avec l’argent de la caisse des dépôts, d’Orange et de Thalès, valorisées chacune 225 Millions au départ, soit 450 millions à elles deux, ont réussi à réaliser 8 millions de chiffre d’affaires à elles deux en 2014.
J’ajoute qu’en 2015, Cloudwatt a été reprise à 100% par Orange pour un prix non communiqué et certainement proche de 0, et que Numergy, placée en plan de sauvegarde en Octobre 2015 a été absorbée par SFR à 100% en janvier 2016 pour un prix non communiqué mais vraisemblablement pour 1 euro symbolique et l’obligation de trouver une solution pour les salariés repris ou pas.
Si on revient sur l’OS souverain, imaginez que la situation risque d’être bien pire…. Si on arrive à faire cet OS, 1 Milliard c’est à la fois beaucoup et très peu. Windows a coûté plusieurs dizaines de Milliards à Microsoft depuis 1985, en 30 ans… Cela montre d’une part que cela ne se fait pas tout seul et pas en soufflant dessus et en tous cas pas avec quelques dizaines de programmeurs pendant deux ou trois ans comme j’ai pu le lire dans la presse généraliste qui elle non plus n’y connait rien en numérique ou presque. Ce milliard ne tient pas compte des programmes qu’il va en plus falloir développer pour faire fonctionner tout ça. Sans compter la maintenance, les antivirus et dispositifs d’anti-piratage qu’il va falloir mettre en place, les évolutions de l’OS, les déploiements de mises à jour de parcs, les personnes qu’il va falloir former. S’agira-t-il encore de fonctionnaires puisque seuls les ordinateurs de l’administration française en seront équipés ?
N’y a t-il pas déjà un OS en France sans avoir besoin d’en redévelopper ?
L’ANSSI, l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information a développé depuis 2005 un logiciel baptisé CLIP. C’est presque un système d’exploitation, mais en fait cela s’appuie sur une base de système d’exploitation Linux. C’est une couche logicielle étanche en termes de sécurité entre Linux et les applicatifs de communication de l’ANSSI et l’usage éventuel d’un système d’exploitation plus classique qui peut être installé, comme par exemple Windows qui fonctionne lui aussi dans une bulle étanche par rapport aux applications de l’administration mais reste un vrai Windows dans son fonctionnement et son ouverture vers les réseaux.
CLIP comme solution ?
Si les lobbyistes que sont les grandes sociétés de service n’étaient pas derrière cette manipulation politico économique, la question ne se poserait pas : CLIP est une solution et il y en a surement d’autres. En ce qui concerne le lobbying, je rappelle que l’une des plus grosses sociétés de service en informatique est Atos et qu’elle est dirigée par un ancien ministre de l’économie et des finances et ancien PDG de France Telecom : Thierry Breton. Ces noms sont tous impliqués dans le fiasco du Cloud souverain dans lequel Atos, société privée récupère à la pelle actions dans Bull, partenariats avec l’Europe, etc.
Si je reviens précisément à mon sujet, pourquoi réinventer la roue et dépenser de l’argent là-dedans alors que nous devons nous concentrer sur notre compétitivité, sur l’emploi, la formation dans les nouveaux métiers du numérique, l’éducation, etc.?
L’OS Souverain est une aberration économique et politique qui ne sert que les desseins de sociétés privées qui s’enrichissent à bon compte, comme les banques qui se sont renflouées sur le dos des états et des contribuables dans les années 2008/2009